Idées

L’air… mais pas la chanson : une inspiration d’autrefois peut mener à une violation de droit d’auteur

19 décembre 2017

Par François Larose

La violation d’un droit d’auteur ne requiert pas la reproduction exacte de l’œuvre protégée. Elle peut découler d’une imitation de cette œuvre, même si cette imitation résulte d’une inspiration lointaine provenant de son enfance. On peut ne plus se souvenir d’où elle vient et retracer sa source, cependant, cette dernière peut nous retracer. C’est ce qui est arrivé à un musicien et sa chanson « Chérie ma pitoune ».

Le musicien et demandeur Marc Labelle a composé et enregistré la chanson « Chérie ma pitoune » au début des années 1990. Il s’est lui-même inspiré d’une chanson des années 1970 d’un de ses ami, lequel lu aurait cédé ses droits dans celle-ci. Il l’a remanié substantiellement pour créer une nouvelle chanson, laquelle a été diffusée par les stations de radio locales, en Beauce, dans le sud-est du Québec.

C’est alors que, en 2015, on l’informe de l’existence d’une chanson portant le même titre que la sienne, enregistrée par le groupe les Batteux Slaques dont fait partie le défendeur, M. Pierre-Luc Brillant, et disponible sur un album en vente. Le défendeur fait même enregistrer sa chanson auprès de la SOCAN. Selon M. Labelle, cette chanson reprend l’essentielle de la sienne et viole son droit d’auteur dans celle-ci. Il communique donc avec le défendeur. Celui-ci lui répond qu’il s’est inspiré d’une vieille chanson dont il n’a pu retrouver son auteur et demande au demandeur de lui prouver ses prétentions. Cela dit, il entreprend quand même des démarches pour faire cesser la diffusion de sa chanson et pour la faire retirer du catalogue de la SOCAN.

Non satisfait, le demandeur réclame du défendeur 10 000 $ en dommages. En réponse, ce dernier lui affirme, par le biais de son agent, qu’il n’a voulu que rendre hommage au créateur de la chanson originale.

Le tribunal analyse les deux chansons, et « reconnaît » la chanson du défendeur dans la chanson du demandeur : le refrain est musicalement presque le même,  les paroles se ressemblent, les couplets ont des similarités importantes et le titre est identique. En somme, la « similitude est frappante ».

De même, le défendeur a vraisemblablement eu accès à l’œuvre originale, reconnaissant avoir voyagé en voiture en Beauce, alors qu’il était enfant, en écoutant la radio locale. Ce dernier a admis s’être inspiré d’une chanson qu’il a fréquemment entendue pendant son enfance. Cette chanson lui serait « restée dans la tête ». Il s’en serait ensuite fortement inspiré pour composer sa chanson, reproduisant donc une portion substantielle de la chanson du demandeur.

Le tribunal conclut donc qu’il y a eu contrefaçon de l’œuvre du demandeur. Le défendeur a tenté de se disculper en plaidant qu’en voulant rendre hommage à l’œuvre originale, il bénéficie d’une exception d’utilisation équitable permettant l’utilisation équitable d’une œuvre aux fins d’étude privée, de recherche, d’éducation, de parodie ou de satire, mais la cour rejette cette défense, puisque qu’aucune de ces utilisations équitables n’a été prouvée (laissant sous-entendre que « l’hommage » n’est pas visée par ces utilisations équitables) et qu’en plus la chanson a été exploitée commercialement.

Bien que le défendeur n’ait pas fait les vérifications suffisantes pour retracer l’auteur de la chanson d’origine, la cour conclut qu’il n’a pas agi de mauvaise foi. De même, il a réagi rapidement suivant la missive du demandeur, et rien ne démontre qu’il a empoché des revenus ou profits grâce à sa chanson. La cour accorde donc au demandeur des dommages de 3000$.

Si le défendeur peut retenir un point positif de cette affaire, c’est qu’il a enfin trouvé l’auteur original de son inspiration.

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