Idées

Les entreprises canadiennes du secteur des logiciels devraient envisager l’obtention de brevets malgré les messages trompeurs de l’OPIC

25 février 2019
Par Cameron Gale

Dans le cadre de la stratégie du gouvernement du Canada en matière de PI, l’Office de la propriété intellectuelle du Canada (OPIC) déploie des efforts louables pour sensibiliser le public canadien aux outils de protection des actifs de propriété intellectuelle. Malheureusement, certains de ces efforts peuvent décourager les innovateurs canadiens de recourir aux brevets pour protéger leurs innovations logicielles qui devraient être protégées par brevet.

Un document d’une page fourni par l’OPIC lors d’un récent symposium à l’intention des entrepreneurs expliquait que « les logiciels sont considérés comme une œuvre littéraire et ne peuvent généralement pas être protégés par un brevet ». Le guide des brevets en ligne de l’OPIC contient des messages similaires au sujet de la brevetabilité des programmes informatiques. Toutefois, ces messages peuvent donner aux inventeurs canadiens l’impression erronée que les innovations logicielles ne sont pas brevetables. Bien que le code utilisé pour créer des programmes informatiques puisse constituer une œuvre littéraire protégée par un droit d’auteur, de nombreuses innovations logicielles sont néanmoins brevetables au Canada et ailleurs.

La brevetabilité des innovations logicielles peut offrir un certain nombre d’avantages que le droit d’auteur seul ne peut offrir. Par exemple, les brevets peuvent empêcher les concurrents d’utiliser une innovation même si elle a été mise au point de manière indépendante. En revanche, l’établissement de la violation du droit d’auteur nécessite la preuve d’une copie réelle. Les brevets peuvent également offrir une protection plus étendue. Cela peut permettre aux innovateurs de logiciels d’empêcher leurs concurrents d’utiliser la fonctionnalité d’une invention même si le concurrent n’a pas mis en œuvre la fonctionnalité de la même manière. Mais avant de pouvoir faire valoir un brevet, il faut faire une demande de brevet et obtenir du Bureau des brevets qu’il vous accorde ce dernier.

Convaincre le Bureau des brevets qu’une invention constitue un objet brevetable demeure un défi, en particulier lorsqu’il s’agit de demandes de brevets relatives aux logiciels. Par exemple, les examinateurs de brevets au Canada et aux États-Unis ont tendance à ne pas être favorables aux innovations logicielles impliquant des transactions financières. Malgré cela, l’OPIC a récemment délivré des brevets visant la gestion du trafic saisi sur une connexion de données (brevet canadien no 2 928 595), l’analyse de données administratives relatives à des demandes de soins et d’autres sources de données (brevet canadien no 2 632 730), le contrôle dynamique de trafic de réseau mobile (brevet canadien no 2 747 336) et un dispositif comprenant de nombreuses applications de paiement (brevet canadien no 2 703 492). Étant donné les défis particuliers que pose le brevetage des innovations logicielles, il est important que les demandes de brevets relatives aux logiciels soient rédigées avec soin afin d’assurer les meilleures chances de succès auprès du Bureau des brevets.

Les tribunaux canadiens n’ont pas souvent eu l’occasion d’examiner la brevetabilité des inventions logicielles. Cependant, dans une affaire impliquant Amazon[1], la Cour d’appel fédérale a annulé le rejet par le Bureau des brevets d’une demande de brevet visant le système de commande en ligne en un seul clic d’Amazon. L’OACI a par la suite autorisé la demande et accordé le brevet canadien no 2 246 933. Comme mentionné ci-dessus, il ne s’agit ici que de l’un des nombreux brevets de logiciels que l’OPIC a accordés et continue d’accorder. Le manuel d’examen de l’OPIC stipule « qu’ un logiciel peut faire l’objet d’une revendication visant la mémoire physique qui stocke le programme d’ordinateur ».[2]

Cela ne signifie pas que tous les logiciels innovants sont brevetables. Toutes les demandes de brevet doivent toujours se conformer à toutes les exigences de la Loi sur les brevets, y compris être « nouvelles, utiles et non évidentes ». Les innovations logicielles comportent également des défis supplémentaires, car il faut convaincre le Bureau des brevets qu’elles entrent dans le champ d’application de « l’objet brevetable » en vertu la Loi sur les brevets. Dans l’affaire Amazon, la Cour d’appel fédérale a expliqué « qu’un objet brevetable doit être une chose dotée d’une existence physique ou une chose qui manifeste un effet ou changement discernable ».[3] De nombreuses innovations logicielles répondent à ces exigences, en particulier lorsqu’elles sont implantées sur des dispositifs physiques. Lors de la rédaction de demandes de brevet pour des innovations logicielles, il est important de souligner les effets perceptibles ou tangibles de l’invention.

Comme l’énonce la Stratégie en matière de propriété intellectuelle du gouvernement du Canada, « les entreprises doivent protéger leur propriété intellectuelle ». Les entreprises canadiennes du secteur des logiciels ne devraient pas négliger l’importance des brevets en tant qu’outil important à considérer pour protéger leur propriété intellectuelle.


[1]Canada (Procureur général) c. Amazon.com, Inc, 2011 CAF 328,[Amazon].

[2] Recueil des pratiques du Bureau des brevets art. 16.08.04.

[3] Amazon au par. 66.

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