Idées

Budget fédéral 2024 : il est temps d’acheter de la PI

09 mai 2024
Auteurs : Louis-Pierre Gravelle et Kyle Classen

Le gouvernement fédéral a récemment dévoilé le budget fédéral de 2024, détaillant 53 milliards de dollars en nouvelles dépenses sur cinq ans. Du plan de dépenses de 53 milliards de dollars, 19,4 milliards de dollars seront financés principalement par des augmentations de l’impôt sur les gains en capital, qui auront une incidence sur les particuliers et les entreprises du Canada qui déclarent des gains en capital.

L’augmentation proposée de l’impôt sur les gains en capital propose de faire passer la partie imposable des gains en capital de la moitié aux deux tiers, les particuliers ne ressentant cette augmentation qu’au-dessus de 250 000 $. Les gains en capital sont les profits qu’un particulier ou une entreprise réalise lors de la vente d’actifs, comme des actions ou des biens. Cela aura pour effet d’imposer davantage les particuliers (plus de 250 000 $) et les entreprises sur les gains en capital. Le budget indique qu’en 2022, 307 000 sociétés ont déclaré des revenus de gains en capital au Canada, ce qui entraînera une augmentation de leur fardeau fiscal.

Le budget prévoit un incitatif étroitement réservé aux entrepreneurs qui exempte les deux tiers des gains en capital d’un entrepreneur résultant de la vente d’une entreprise jusqu’à un maximum de 2 millions de dollars, augmentant chaque année de 200 000 $ à partir de 0 $ et atteignant 2 millions de dollars en 2034. Il y a aussi plusieurs exigences qui doivent être remplies pour être admissibles.

Cette mesure a été vivement contestée par la communauté technologique.  Les investisseurs et les entreprises en démarrage craignent que toute augmentation de la partie imposable des gains en capital n’entraîne inévitablement un ralentissement des investissements dans les entreprises à forte croissance, en particulier les entreprises en démarrage.  La mesure semble incongrue avec les budgets précédents du gouvernement, principalement avec ces mesures favorisant un écosystème de démarrage dynamique.  Par exemple, le programme ÉleverlaPI, annoncé dans le budget de 2021 (90 millions de dollars sur quatre ans), aide les entreprises en démarrage à articuler une stratégie de PI et à mettre en œuvre cette stratégie avec un financement direct.  L’objectif de cette mesure était en partie d’aider les entreprises en démarrage à acquérir des actifs de propriété intellectuelle et, en partie, de rendre ces mêmes entreprises en démarrage plus attrayantes pour les investisseurs grâce à la propriété intellectuelle créée.  Il reste à voir dans quel impact aura, à terme, l’augmentation de la partie imposable des gains en capital sur la scène canadienne des entreprises en démarrage et de la technologie.

Malgré la possibilité d’une augmentation de l’impôt sur les investisseurs et les entreprises au Canada, certaines des dépenses proposées devraient servir à compenser les pertes ressenties par l’augmentation de l’impôt sur les gains en capital et à renforcer la croissance économique et l’innovation pour les entreprises canadiennes, puisque le budget comprend 7,6 milliards de dollars pour les mesures de croissance économique. Certaines des mesures sont pertinentes pour la propriété intellectuelle (PI) au Canada, ce qui pourrait s’avérer bénéfique pour les entreprises innovantes qui cherchent à obtenir du financement et de la PI au cours des prochaines années.

L’une de ces mesures comprend un programme de financement de 2,4 milliards de dollars pour l’IA afin de continuer à construire une infrastructure technologique et d’améliorer l’accès aux capacités informatiques au Canada (appelé « puissance de calcul »). L’annonce d’une augmentation du financement de la puissance de calcul s’inscrit dans la lignée des annonces des leaders mondiaux du marché de l’IA (Amazon Web Services, Microsoft Azure et Google Cloud) annonçant des plans d’expansion au Canada.

Ce programme de financement de l’IA a également de fortes répercussions sur les petites entreprises au Canada. Le programme de financement de l’IA de 2,4 milliards de dollars peut être grossièrement réparti comme suit :

·       2 milliards de dollars pour lancer le Fonds d’accès à une puissance de calcul pour l’IA et la Stratégie du Canada sur une puissance de calcul souveraine pour l’IA, qui fourniront la puissance de calcul essentielle pour les chercheurs, les entreprises en démarrage et les entreprises en expansion du Canada afin de renforcer l’infrastructure d’IA nationale.  Bien qu’il n’y ait aucune mention de la PI liée à ce fonds, il est raisonnable de s’attendre à ce que l’établissement de la puissance de calcul mène à la création d’actifs de PI, qui devraient sans doute être financés au moins en partie par le fonds.  Toutefois, le fait d’avoir une infrastructure d’IA appartenant à des intérêts nationaux ne signifie pas nécessairement que les actifs de PI appartiennent également à des intérêts nationaux.

·       200 millions de dollars ont été déboursés par l’entremise des agences de développement régional du Canada pour permettre aux entreprises en démarrage de domaine de l’IA d’introduire de nouvelles technologies sur le marché et d’accélérer l’adoption de l’IA dans des secteurs essentiels comme l’agriculture, les technologies propres, les soins de santé et la fabrication.

·       100 millions de dollars au Programme d’aide à l’IA du Conseil national de recherches du Canada, conçu pour aider les petites et moyennes entreprises (PME) et les innovateurs canadiens à élaborer et à mettre en œuvre de nouvelles solutions d’IA.

·       14,5 millions de dollars à Innovation, Sciences et Développement économique Canada pour le Collectif d’actifs en innovation, qui appuie les petites et moyennes entreprises de technologies propres grâce à des fonds spécialisés en matière de propriété intellectuelle pour faire croître leurs entreprises.

Plusieurs incitatifs fiscaux pour les entreprises recherchant la PI ont été proposés, car les investissements dans les brevets et les technologies de pointe ont été spécifiquement ciblés comme un facteur clé de la croissance économique canadienne. Plus de 600 millions de dollars investis sur quatre ans à compter de 2025 dans le programme de la Recherche scientifique et du développement expérimental (RSDE) ont été annoncés, dans le but principal de maintenir l’innovation et la PI au Canada. Le plan propose de nouvelles mesures qui permettent aux entreprises d’amortir le coût total de leurs investissements au moyen d’un taux de DPA de 100 % sur l’achat d’actifs « favorisant l’innovation et améliorant la productivité », ce qui comprend les brevets.  Cela devrait inciter les entreprises à dépenser un peu pour acquérir des actifs de propriété intellectuelle.

Une autre incitation liée aux brevets, un régime de « boîte à brevets », a été présentée pour consultation future. Il s’agit d’une structure fiscale dans laquelle le revenu d’entreprise tiré de la PI est imposé à un taux inférieur au taux d’imposition du revenu des sociétés prévu par la loi, dans le but d’encourager le développement et la conservation de la PI au Canada.  Un tel programme existe déjà au Québec, où les revenus admissibles sont imposés à un taux de 2 %, comparativement au taux de base de 11 %.  L’IPIC, entre autres, a fait entendre ses efforts pour convaincre le gouvernement fédéral d’adopter un tel programme.  Cela dit, un régime de « boîte à brevets » entre réellement en vigueur quelques années après le début du processus d’innovation : il faut généralement un actif de propriété intellectuelle accordé pour pouvoir bénéficier de la mesure.  Il s’ensuit que l’entreprise qui souhaite se prévaloir de la mesure doit avoir déjà déposé des demandes de brevet, par exemple, et les avoir poursuivies jusqu’à leur acceptation.  Un régime de boîtes de brevets se marie bien avec les programmes ÉleverlaPI et Assistance PI, et on espère que le gouvernement maintiendra le financement de ces programmes, car ils sont des éléments essentiels pour les entreprises dans la constitution d’actifs de PI.

Deux propositions ont été présentées qui pourraient avoir une incidence sur la Loi sur le droit d’auteur. La première porte sur « l’interopérabilité », obligeant les fabricants à garantir l’interopérabilité de leurs produits avec d’autres déjà existants. Cela évitera aux consommateurs d’avoir à acheter des produits supplémentaires lorsque les produits existants ne fonctionnent pas ensemble, l’objectif ultime étant de faire économiser de l’argent aux Canadiens. Le gouvernement fédéral a proposé de régler ce problème en modifiant la Loi sur le droit d’auteur, qui fera l’objet de consultation sous peu. Entre-temps, le gouvernement fédéral a demandé aux gouvernements provinciaux de modifier leurs lois contractuelles afin de permettre l’interopérabilité.

La deuxième proposition qui pourrait avoir une incidence sur la Loi sur le droit d’auteur comprend l’introduction d’un « droit de réparation » des appareils achetés par les Canadiens afin d’accroître la durée de vie du produit. Cette annonce comprend des consultations sur l’introduction d’un cadre pour aborder l’obsolescence planifiée, la durabilité, la réparabilité et l’interopérabilité des appareils. La modification proposée à la Loi sur le droit d’auteur (projet de loi C-244) prévoit le contournement des mesures technologiques de protection (serrures numériques) à des fins de réparation. Une modification est également proposée à la Loi sur la concurrence (projet de loi C-59), qui comprend des mesures visant à empêcher les fabricants de refuser de façon anticoncurrentielle de fournir les pièces, les outils ou les logiciels nécessaires aux réparations. Entre-temps, le gouvernement fédéral a demandé aux gouvernements provinciaux de modifier leurs lois sur les contrats pour appuyer le droit à la réparation.

Dans le budget fédéral de 2024, le gouvernement fédéral a mis moins l’accent sur les questions fondamentales de propriété intellectuelle que les années précédentes, mais envoie un signal fort indiquant qu’il soutient le renforcement de l’infrastructure et de la recherche en matière d’IA.  Le discours du budget réitère l’intention du gouvernement de favoriser l’innovation et la productivité des entreprises canadiennes et de conserver l’innovation et les fruits qui en découlent au Canada. Le temps nous dira si ces intentions donneront des résultats.

Bien que la majeure partie des mesures budgétaires aient déjà été déposées à la Chambre des communes, les dispositions relatives aux gains en capital seront présentées dans un projet de loi distinct.

Si vous avez des questions sur la façon dont vous pourriez bénéficier des possibilités de financement et des incitatifs nouvellement proposés, n’hésitez pas à communiquer avec Louis-Pierre Gravelle ou votre personne-ressource chez B&P.

 

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